"Supposez maintenant que ces préjugés et ces passions du public soient soigneusement, et chaque jour, surexcitées. Supposez un tribunal susceptible, à cause de son inexpérience naturelle, de se laisser tromper sur la valeur des témoignages qu'on apporte devant lui. Imaginez enfin ce tribunal abusé par une autorité supérieure dont il a appris à ne pas douter.
[...]
Prenez alors, dans une catégorie d'individus plus particulièrement en butte à la malveillance générale, un homme ; accusez cet homme d'un crime capable de provoquer les frénétiques clameurs de la foule (...) ; mettez cet homme au secret et, tandis qu'il est séparé de tous, dans l'incapacité de se défendre, déchaînez contre lui, à l'aide de tous les mensonges et de toutes les calomnies, les colères et les haines les plus féroces ; faites-le comparaître devant le tribunal dont je viens de parler (...) ; fermez, au jour du jugement, la salle d'audience, empêchez toute voix d'être entendue, et soutenez ensuite que, pour cet accusé, les droits de la défense ont été sauvegardés ; affirmez surtout, alors que vous ne connaissez rien de l'accusation, que cet accusé est un coupable !" Bernard Lazare, 1897 (4e de couverture)